mardi 21 février 2012

DISSIDENCE

"Nos amis chinois", pour reprendre une expression caractéristique de la langue de bois pour désigner les autorités de ce grand pays, laissent filtrer de plus en plus d'informations de toutes natures sur leur pays, en dépit du contrôle omniprésent des moyens de communication et plus précisément de l'Internet. Il y a deux ans, une chaise vide à Stockholm, faisait résonner dans le monde entier ce nom : Liu Xiaobo, prix Nobel de la Paix, détenu dans les geôles chinoises.
Aujourd'hui, un autre nom retentit sur les cimaises du Jeu de Paume et le journal Libération lui consacre un numéro spécial.
Photo prise par Aï Weiwei spécialement pour "Libé"























«Crabe de rivière se dit "hexie" en chinois : c'est le mot vulgaire pour "censure" car sa prononciation en chinois est la même que celle du mot "harmonie". Or le gouvernement chinois invoque depuis 2004 la nécessité d'une "société harmonieuse" ("hexie shehui") pour justifier la censure qu'il impose. Par dérision, les internautes ont adopté cet euphémisme.» Aï Weiwei
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  • Tradition familiale ?
Son père, poète célèbre, ayant vécu à Paris dans les années 1930, a connu les camps de rééducation à l'époque de Mao. Sa famille l'a suivi dans cette prison ouverte du désert de Gobi. Malgré cette notoriété de mauvais aloi, Aï Weiwei part à New York en 1981, à l'âge de 25 ans, après avoir fait des études de cinéma à Pékin. Il abandonne alors la peinture pour la photo et mitraille New York et les New-yorkais.
De retour en Chine en 1993, il devient un artiste renommé, au cœur des avant-gardes chinoises et publie trois ouvrages fondamentaux sur ce sujet.
Entre provocations ignorées par le pouvoir et notoriété de son travail d'architecte autodidacte, il arrive à la dénonciation publique du régime, lors des J.O. de Pékin, avec l'inauguration du "nid" auquel il a travaillé avec le cabinet suisse Herzog et de Meuron.

  • Un artiste inclassable
Aï Weiwei photographie le monde, les hommes et lui-même. L'autoportrait tient une place majeure dans son œuvre, ainsi que le nu. Il y a là une quête de vérité, de transparence, d'humanité, toutes choses dont le gouvernement chinois lui paraît cruellement manquer. Après les J.O., son blog, autorisé en 2004, est interrompu. Désormais, la répression et la censure ne le lâchent plus et Twitter prend le relais... L'année dernière, Aï Weiwei a été arrêté alors qu'il prenait l'avion pour Hong-Kong et détenu 81 jours, interrogé, maltraité, passé à tabac et au final condamné à payer des sommes faramineuses pour fraude fiscale.

« Ce pays dépense la moitié de son énergie à empêcher les gens d'accéder à l'information ou de communiquer entre eux. L'autre moitié de son énergie sert à envoyer en prison ceux d'entre nous qui détiennent l'information et qui cherchent à la transmettre. » Aï Weiwei

En conclusion, pour revenir sur la question de l'utilité de l'art, en voici une facette : un moyen de résister à l'oppression non-violent et efficace. Et Aï Weiwei cite Marcel Duchamp comme un de ses maîtres !

« Les réponses finissent toujours par parvenir à ceux qui posent des questions, tout comme le vrai pouvoir finit toujours par être détenu par ceux qui l'exercent. Et c'est en fin de compte toujours à nous qu'échoit la tâche de montrer la perversité du mal et les souffrances qu'il inflige. Ce principe moral incontournable constitue l'une des règles les plus fascinantes. »

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