lundi 12 novembre 2012

CLEMENCEAU

10 novembre : téléfilm sur le Tigre ;
11 novembre : hommage de la Nation à tous les soldats morts pour la France ;
12 novembre : proposition d'allègement des programmes d'Histoire-Géographie de 1ère et de Terminale.
Faut-il y voir un lien?


DE MAL EN PIS.


Au risque de passer pour une éternelle mécontente, qui n'a cessé de protester contre les aberrations d'une réforme, entamée il y a quatre ans pour le lycée, cet enchaînement me semble bien révélateur du saccage délibéré de l'enseignement de l'Histoire et de la Géographie. Ce que la réforme n'aura pas achevé, son "détricotage" par le nouveau gouvernement devrait y parvenir.


Samedi soir, un téléfilm sur Clemenceau, honnête, bien que bizarrement ficelé et entrelardé de quelques images d'époque - sorte de caution historique sur la véracité de l'entreprise ? - et sauvé par l'interprétation un peu bourrue mais sensible de Didier Bezace, qui campe un Clemenceau quelque peu dandy mais bien conforme aux nombreuses sources dont nous disposons. Et l'évocation toute en nuances, de son amitié avec Monet, de la tendresse partagée avec Marguerite Baldensperger compensent la composition caricaturale de la journaliste québécoise !
Donc les images en noir et blanc, c'est l'Histoire... et le film en couleurs, c'est???...


Dimanche matin, hommage de la Nation à ses morts, sous la forme léguée par la présidence de Nicolas Sarkozy (qui voulait créer un musée de l'Histoire nationale !). Plus de poilu vivant à décorer, qu'à cela ne tienne, le 11 novembre sera désormais le jour de l'hommage à tous nos morts :
« Le 11 novembre, jour anniversaire de l'armistice de 1918 et de commémoration annuelle de la victoire et de la Paix, il est rendu hommage à tous les morts pour la France. Cet hommage ne se substitue pas aux autres journées de commémoration nationales ».

C'est une toute autre entreprise, honorable, nécessaire peut-être, et tout à fait justifiable, voire justifiée mais le choix de la date, de cette date, montre le manque de perspective historique et un amalgame qui doit faire frémir les mânes de Clemenceau !
Peut-on vraiment honorer dans un même moment le poilu de 14-18, le fantassin ou l'artilleur de Dunkerque, le colonial de Dien Bien Phu, l'appelé du contingent dans les Aurès et tous ceux et celles dont l'acte de décès porte la mention "Mort pour la France" ?
Oui, on le peut si on regarde la manière dont le programme d'Histoire a été déconstruit en lisant la partie intitulée "La guerre au 20ème siècle" : deux guerres mondiales qui semblent s'enchaîner, la guerre froide qui se termine par l'éclatement du bloc soviétique et l'échec du communisme puis des "nouvelles conflictualités" aux contours bien flous. Mais il manque la révolution de 1917, les totalitarismes de l'entre-deux guerres, la décolonisation et le Tiers-Monde qui seront étudiés plus tard dans l'année, etc.
Alors, déclarer le 11 novembre, date anniversaire de la signature de l'armistice à Rethondes, journée d'hommage de la Nation à tous ses morts, ne pose plus aucun problème et va permettre d'enterrer définitivement ce qu'il est convenu d'appeler le devoir de mémoire, lequel devoir ne peut avoir de sens que si il est fondé sur une connaissance historique cohérente.


Lundi, annonce "officieuse" relayée avec une promptitude qui en dit long sur nos modes de communication et de concertation, d'un allègement des programmes d'Histoire et de Géographie de 1ère et de Terminale.
Voici un extrait de la prose ministérielle, relayée par l'association des professeurs d'Histoire-Géographie : Dans la colonne intitulée « mise en œuvre » du thème 3 de la partie « Histoire », les mots « Les totalitarismes face aux démocraties dans les années 1930 » sont supprimés.

Derrière les mots supprimés : la guerre d'Espagne, la montée du nazisme, les tensions internationales...
et dire que le sous-titre de ce programme de 1ère est : "Pour comprendre le 20ème siècle" !

Bon courage !

1 commentaire:

  1. Désolant ... Comment s'étonner ensuite que de jeunes journalistes soient incapables de mettre en perspective des évènements d'actualité, à la lumière de l'Histoire passée.
    Je suis passée par la Terminale. J'ai mangé des chapitres et des chapitres sur ces totalitarismes. Et ce fut une révélation.
    J'ai continué à les étudier à l'université.
    J'ai continué à en parler dans les rédactions traversées.

    Je ne veux pas d'une Histoire allégée. Sous couvert de simplicité et efficacité.
    C'est parce que l'on prend le temps de découvrir et apprendre par le menu les choses que l'on en comprend les enjeux, les tenants et les aboutissants.

    Je crois en l'Histoire comme d'autres en la diplomatie pour assurer la paix. Comme disait Lincoln ... essayez donc l'ignorance.

    Une ancienne élève devenue journaliste grâce à mes professeurs d'Histoire.

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